Les Fossés - Fortifications en terre

Les Fossés -Fortifications en terre

Photo Pierrefitte.Bourg.9-9-89.©HD

La photographie aérienne reproduite en couverture est extraite du dernier bulletin du Groupe de Recherches Archéologiques et Historiques de SOLOGNE dont elle fait également la une sous le titre : L'origine des fortifications en terre de PIERREFITTE-sur-SAULDRE.

La rédaction du bulletin communal remercie M. DELETANG, Directeur de cette publication, de l'avoir autorisée à puiser dans son intéressante étude, aride par le sujet, mais passionnante par la richesse de la documentation et la finesse des analyses, les éléments du présent article.

La photographie est accompagnée du commentaire suivant : Bande herbeuse et ligne de conifères soulignent les fortifications en terre du milieu du XVI° siècle. Et, effectivement, elle fait clairement apparaître ce que tout Pierrefittois, de souche ou de cour, apprend dès son plus jeune âge par la tradition orale : le bourg fut, à une certaine période de son histoire, entouré de fossés et de remparts de terre qui, vus en coupe, devaient se présenter ainsi :

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L'enceinte de protection, délimitant une zone d'environ 400 m. de diamètre, suivait - en se référant à la topographie actuelle - la rue des Vieux-Fossés dans sa totalité, du Champ de foire à la route de Nouan, la rue des Fossés qui longe le cimetière, le Pilori jusqu'à La Motte, pour se refermer à hauteur du Champ de Foire par un tracé en arc de cercle.

A quelle époque et par qui ces fortifications sont-elles été édifiées ? Cette question est demeurée jusqu'à présent sans réponse définitive.

Dire que cette lacune historique me préoccupe serait mentir. Néanmoins, j'aimerais satisfaire une curiosité légitime car, je dois l'avouer, le pouvoir évocateur des fossés est, pour moi, aussi puissant que celui de l'enceinte Philippe Auguste de PARIS, de même que l'humble croix de fer qui, au cimetière communal, s'incline chaque année davantage sur les restes de Jean-Baptiste François LEVEILLE, Chevalier de la Légion d'Honneur, Docteur en Médecine, décédé à Pierrefitte le 13 Mars 1829 suscite en moi plus de pensées que le froid mausolée de marbre des Invalides où git le corps embaumé de l'Empereur.

L'étude de M. DELETANG a donc retenu mon attention et, sans me dissimuler la difficulté de l'entreprise, j'ai essayé d'en synthétiser les données essentielles .... Sans pouvoir réprimer quelques opinions frondeuses : Pierrefittois certes, mais Français avant tout.

D'entrée, trois constatations s'imposent :

A) La première description connue du bourg de PIERREFITTE est due au Sous-Préfet de ROMORANTIN, le Baron René LAMBOT de FOUGERES et date de 1818. Elle est donc fort tardive si l'on songe que le problème posé se place à l'aube de notre ère.

B) Plusieurs historiens et chercheurs, de 1818 à 1954, ont publié des mémoires, chacun reprenant dans les travaux de ses prédécesseurs les arguments qui vont dans le sens de sa propre conviction, leur conférant, à tort ou à raison, la force de sa propre certitude. Ce qui, au début, n'était qu'une présomption, devient ainsi en quelques décennies une affirmation péremptoire. On passe insensiblement de "II y a donc lieu de penser que ..." à "II ne fait aucun doute que ...".

C) L'idée préconçue est l'ennemi de la recherche, spécialement dans es domaines qui se prêtent mal à la quantification. Nous observerons que les chercheurs finissent, contre toute logique, par voir e qui vient épauler leur théorie, conçue a priori, quitte à s'appuyer sur des raisonnements d'une rigueur toute apparente.

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"L'enceinte de Pierrefitte"
(d'après E.-C. Florance)

En 52 avant J.C., l'empereur romain Jules CESAR, après s'être emparé d'ORLEANS, se rend à BOURGES. Sur son chemin, ses légions doivent faire le siège, difficile, d'un bourg fortifié gaulois appelé NOVIODUNUM. De nombreux historiens se sont évertués à localiser ce bourg. Plusieurs hypothèses ont été avancées. L'une d'elles fait de PIERREFITTE ce fameux "oppidum" gaulois qui, à l'extérieur de son enceinte fortifiée, aurait été en outre protégé par deux "postes avancés destinés à défendre le passage de la rivière" . Ce sont deux mottes entourées d'eau dont la première, à gauche, porte une construction moderne insignifiante, appelée le Château de la Motte, et la seconde, près du Pont de Sauldre, porte le nom de "Château Friant".

D'autres, au contraire, pensent que PIERREFITTE était un camp retranché romain construit par les envahisseurs au cours de leur conquête (ou plus tardivement...) ou bien encore un élément d'une ligne de défense plus importante.

Les tenants du camp romain s'appuient sur les éléments suivants :

  • Les Romains, experts dans l'art militaire, construisent des camps retranchés de forme carrée dont chaque côté n'est percé que d'une unique voie d'accès. Certains historiens reconnaissent ainsi sans hésiter la forme classique du camp romain dans le tracé des fortifications de PIERREFITTE tel qu'il a été, par exemple, reconstitué d'après le plan cadastral de 1832.

http://www.pierrefitte-sur-sauldre.fr/img/fosse3.gifIl faut, pour aboutir à cette conclusion, une certaine dose d'imagination et ne pas craindre de faire subir quelques outrages à la géométrie euclidienne. A preuve, ces définitions d'un même tracé issues de plumes différentes :

- un carré long, au tracé irrégulier ...

- un carré long, à angles arrondis, irrégulièrement tracé . . .

- une forme rectangulaire dont les angles auraient été un peu arrondis .

Louis de la SAUSSAYE pense que les ouvrages réalisés par les Romains ne se limitaient pas à la seule enceinte fortifiée. Il ajoute :

Des lignes de défense plus considérables, et bien reconnaissables encore, quoique les fossés soient comblés et les retranchements presque à fleur de sol, se remarquent au sud-ouest de PIERREFITTE, vis-à-vis le coude de la Sauldre, et :

" Le nom de Lignières, que porte cette circonvallation , indique assez que, dans le pays, elle a toujours été reconnue pour d'anciennes lignes de défense. Rien n'empêcherait donc de croire que ce fut là le premier campement de César, après son passage de la Loire à GENABUM (Orléans)".

Cette partie de son exposé se termine par cette considération qui me paraît ouvrir une voie nouvelle au raisonnement cartésien :

"Tous ces ouvrages sont si peu apparents maintenant qu'on ne peut facilement s'en rendre compte, et cette raison précisément me les ferait reporter à une très haute Antiquité.".

  • LAMBOT DE FOUGERES a fait allusion à des trouvailles "de fréquentes découvertes de médailles romaines" à PIERREFITTE. Louis de la SAUSSAYE, par contre, rapporte :"On trouve des médailles dans PIERREFITTE et aux environs, mais les paysans qui n'en connaissent pas la valeur (...) ne les recueillent pas; M. de BAZONNIERE m'a dit en avoir trouvé plusieurs fois et il m'en a cité entre autres deux de Septime Sévère et de Constance Chlore".

Remarque perfide de ma part : comment peut-on être sûr qu'on les a découvertes si on ne les recueille pas ?

- Le rapprochement entre la plaine et l'étang des Césars et l'empereur Romain, quoique parfaitement gratuit, était tentant. Les historiens n'y ont pas manqué :

"Au nord de ce bourg se trouve une plaine carrée d'environ deux mille cinq cents pas sur tous sens, et voisine d'un étang qui porte encore le nom de César. Or, on peut présumer que cet étang fut creusé par le corps d'armée stationné en ce lieu, et que les terres qui provinrent de ce travail furent employées à l'érection des plates-formes".

"Auprès de Pierrefitte, se trouve (sic) la plaine des Césars et l'étang des Césars, noms qui se rattachent à des souvenirs anciens dus évidemment au passage de César".

- La route de SOUESMES qui franchit la Sauldre sur le pont actuel serait de construction récente. Deux historiens rapportent :

"L'ancienne issue et le chemin qui mène à Falaze où se trouve le gué de la Sauldre, s'appellent les Passées" où l'on assure dans le pays qu'il y avait autrefois un pont, qu'aurait emprunté l'ancienne voie d'ORLEANS à BOURGES.

- Enfin, la présence sur le site de trente à cinquante buttes artificielles, dites "tombelles", considérées comme des sépultures, a été vue comme la preuve de batailles sanglantes.

Il n'est pas aisé de se forger une opinion parmi cette avalanche d'arguments, parfois contradictoires, rarement étayés par les faits.

Heureusement, M. DELETANG nous permet de trancher le dilemme en renvoyant dos à dos les tenants des deux thèses : oppidum gaulois et camp romain - et en réfutant tous leurs arguments :

- II semble maintenant avéré que NOVIODUNUM ne peut être que NEUNG-sur BEUVRON et il n'existe aucune preuve archéologique de l'existence d'une fortification gauloise à PIERREFITTE.

- Ni les plans cadastraux, ni les enquêtes sur le terrain, ni les prospections aériennes n'autorisent à penser que les Romains ont établi un camp sur le site de PIERREFITTE lors de la conquête de la Gaule ou ultérieurement.

Dans ces conditions, force est de conclure qu'on ne peut s'appuyer sur les restes archéologiques pour retrouver l'origine de PIERREFITTE.

Malgré la rigueur de la démonstration, je ne cache pas que certains raisonnements me déconcertent. Ainsi, recherchant l'origine du nom "Les Lignières", l'auteur de l'étude considère comme possible l'évolution suivante :

- Le nom de famille Asselin + ière a donné le nom d'une exploitation créée ou habitée par elle: "la Asselinière" ou " l'Asselinière".

- Une transformation simple et courante en toponymie : l'agglutination de l'article défini, a donné "Lasselinière".

- Puis chute de la seconde syllabe non accentuée : "Laslinière", puis "Lalinière".

- Par déglutination, le rétablissement de l'article défini semblait inévitable : "La Linière".

- Le pluriel "Les Linières" donne une idée de famille.

- Et la nasalisation du n aboutit à "Les Lignières".

Quand je dis "déconcerté", je pense que le terme est même un peu faible.

Ceci étant, M. DELETANG comble aussitôt le vide historique qu'il vient de révéler en avançant une hypothèse qui présente le double avantage de s'appuyer sur un document indiscutable et de ne pas exiger du lecteur profane des contorsions intellectuelles auxquelles il n'est pas accoutumé.

Ce document est le procès-verbal d'une assemblée des habitants de PIERREFITTE tenue le 19 Novembre 1564 pour arrêter les moyens propres à assurer le remboursement d'un prêt ancien, contracté en 1545 et 1546, pour financer la construction de fortifications, construction autorisée par des lettres patentes émanant de la Chancellerie Royale. Le procès-verbal figure aux Archives Départementales du Loir-et-Cher et l'existence des lettres patentes ne peut être mise en doute.*

La fin du XVe siècle et la presque totalité du XVI° furent une période d'insécurité : des bandes de soldats démobilisés devenus des vagabonds s'adonnaient au pillage des bourgades, des abbayes, des exploitations agricoles. Pour y faire face, certaines villes se virent octroyer des lettres patentes pour construire des fortifications ou pour réparer et renforcer celles qui existaient. Dans un vaste élan défensif, on assista, dans notre région, à une véritable floraison de remparts. Au XVI° siècle, Pierrefitte-sur-Sauldre apparaît comme un centre routier ' important du "grand chemin d'Orléans à Bourges".

De tous les cours d'eau que le chemin doit franchir, en Sologne, la SAULDRE est celui dont la vallée, plus profondément incisée dans le paysage, se présente comme l'obstacle le plus sérieux. Le bourg de PIERREFITTE-sur-SAULDRE, par la qualité de son site de passage sur une voie fréquentée et par sa position géographique, réunit un ensemble de conditions favorables au développement d'activités économiques à dominante commerciale. C'est peut-être pour sauvegarder les ressources procurées par cette fonction - et grâce à elles - que les habitants de PIERREFITTE tentèrent de protéger leur "ville".

Cette longue incursion dans le passé lointain nous amène, me semble-t'il à deux conclusions différentes :

- La première a servi d'introduction au reportage consacré à PIERREFITTE par le JOURNAL DE LA SOLOGNE en 1983. M. LAURE s'y exprime ainsi, avec une sage prudence : "Toute l'histoire ancienne de PIERREFITTE est un étrange mélange de légendes et de vérité. Peu ou pas de documents ou de traces pouvant établir une vérité historique sans faille. La tradition du pays, qui se transmet oralement de génération en génération, colporte son lot de belles histoires, certainement fort éloignées de la réalité.

La seconde clôt la passionnante étude de M. DELETANG :
Nous voilà bien loin de l'oppidum gaulois, de Jules César et de ses légions, du castrum du Haut-Empire... Les fossés ont disparu; cependant faire le tour du bourg de PIERREFITTE, en suivant leur tracé, vous évoquera des souvenirs plus récents, du milieu du XVI° siècle, qui n'en seront pas moins émouvants.

* à titre de curiosité, nous reproduisons à la suite de cet article la liste des habitants présents à cette Assemblée.

J'ajouterai qu'il y a aussi, et surtout, le passé récent, celui du siècle qui s'achève, infiniment riche en témoignages encore aisément accessibles. C'est un devoir de ne pas le laisser s'estomper dans les brumes de l'histoire.

M. V.

ce faicts aud. lieu es présence de honnorable homme maistre Pierre jat, Es-tienne Souceneux (?), Simon Girard, Estienne Bourbon, Pierre oyn, Jehan Jaupitre, Pierre Golleau, Pierre Gobillot, André Delorme, ;ian Berrier, François Laurent, Jehan Folletier, Martin Picard ;ques Destouches, Mathurin Leboullars (?), François Mahon, Collas :eulx, Fiacre Havart, François Ducharme, Sébastian Guimonnet, Pierre andes, Esti enne Brul1eron, Jehan Grouyn, Françoi s Tri go 11 et, in Petit Marin, Guillaume Genêt, Guillaume le Compte, Guillaume Lon-iu, Jehan Bai 1ly le Jeune, Jehan Ravot cordonnier, Jehan cydevant ; Auzault, Estienne Foyet (?), Pierre Ducharme, Jehan Bourdin, Jehan y, Eutroppe Texier de Malvault, Marin Poirier, Estienne Denis, Pier-Imbauît, Jehan Bernault, tous manans et habitans dud. Pierreficte int en grand nombre et faisant la plus grande et seine partie des ha-ins assemblez devant la garant porte de l'église dud. Pierreficte pour ser et délibérer entre eux

 

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