Mardi, mercredi et vendredi :
9h-12h et 15h-17h
Marie-Rose MEUNIER, dernière « chef de gare de Pierrefitte » a pendant de longues années participées à la vie économique du village. Commerçants, agriculteurs, artisans se donnaient rendez-vous à la gare pour récupérer leurs achats ou expédier leurs ventes sous l'œil vigilant de Marie-Rose qui vérifiait tout dans les moindres détails.
Au cours d'un long entretien, complété par une lettre de souvenirs, elle nous a fait partager une tranche de vie, de vie personnelle mais surtout de vie villageoise ....
Photo collection Raymond HARICOT
« J'ai commencé à la gare de Brinon car la gérante qui ne pouvait pas avoir d'intérimaire est venue me le demander. Nous la connaissions car nous avions nos terres justes à côté de la gare. Mais au bout de huit jours, j'étais fatiguée, j'avais mal aux reins, j'aimais mieux arracher les pommes de terre... Je me suis dit que je ne pouvais pas faire cela.
Et puis le patron est revenu me chercher « si elle a peur, c'est qu'elle veut trop bien faire ! » Et j'ai recommencé. Le 1er jour j'avais des poissons à envoyer.
En 1957, la dame PIRAUDEAU qui avait toujours des rhumatismes m'a demandé de venir la remplacer à Pierrefitte.
Il n'y avait déjà plus de voyageurs. Les voyageurs se sont arrêtés après la guerre. Pendant la guerre, il y avait des michelines. Les gars qui la conduisaient, ils étaient deux, couchaient à la gare de Brinon car il y avait un petit bâtiment en plus (la salle d'attente de première classe). Il y avait une fausse cheminée et en hiver ils ont voulu mettre du charbon dedans. Ils ont été asphyxiés : morts.
Des voyageurs il y en a eu encore le 17 octobre 1971, des parisiens : ils descendaient, ils couraient n'importe où, n'importe comment, ils ramassaient des feuilles, des champignons... c'étaient comme des lions échappés.
Quelquefois j'allais à Souesmes et Madame MULON me remplaçait.
Le train venait de Luçay-le-Mâle dans l'Indre jusqu'à Clémont car Monsieur JAMAIN recevait des aliments pour les animaux. Oh ! il y avait de la farine de poisson, ça sentait mauvais, il fallait se boucher le nez quand ça passait.
Il y avait un train tous les trois jours, que ce soit Noël ou l'Ascension. Un jour de Noël, j'avais cinq petits tracteurs rouges, des petits « pony », c'était joli, c'était pour Monsieur MORIN.
Le tabac arrivait tous les mois. Il fallait compter les journaux et envoyer la confection : Joseph DESPRE l'amenait. Sa femme la faisait avec Nadège LECLERCQ. C'était l'oncle de Roger. Des gilets en alpaga, c'était de la belle confection.
Le matériel pour les charrons venait aussi par le train (pour Monsieur FOLTIER ou pour les vélos de Monsieur AUDRY).
Au printemps, on recevait beaucoup de grains pour les cultivateurs. Quand la poste a pris les gros colis cela nous a tout retiré.
Je recevais aussi de la laine pour la tante de Ghislaine. Le premier colis, je me dis Madame BARREAU... je ne sais pas qui c'est... c'est elle qui m'a dit « je remplace ma tante... ».
On envoyait les enluminures, les enseignes lumineuses de Brinon.
Monsieur COURTAT est venu chercher des tôles à la gare avec une brouette, il a drôlement peiné. Les PAQUET du Saulçay sont venus avec leur 2 CV chercher les leurs.
Madame BOLINET Solange envoyait, des Ormes, toutes les semaines, un colis de légumes au Docteur DESPRES à Paris. En septembre, c'étaient des pommes de terre.
Je commençais ma journée à huit ou neuf heures, j'habitais à la gare. On était bien, avec les murs très épais. Cela m'a fait beaucoup de peine de partir.
Je suis partie de PIERREFITTE le 15 ou 16 Décembre 1973.
Oh ! je me souviens, un jour le chef de train avait laissé le fourgon ouvert, et le vent a fait envoler sa feuille de marche. Il ne fait ni une, ni deux, il saute du train pour la récupérer du côté des Bordes. Arrivés à Pierrefitte, on n'avait plus de chef de train !!! On téléphone à Brinon. On n’y comprenait plus rien. En réalité, après avoir sauté du wagon il est venu à pied jusqu'à l'Huy et puis il a emprunté un vélo pour rattraper le train... »
Le 17 Octobre 1971, la FA.C.S. a parcouru la section Salbris - Clémont, à bord d'une rame spéciale d'autorails et remorques Verney : on voit ci-dessus ce convoi à l'arrêt à Pierrefitte-sur-Sauldre.
Photo Collection Ghislaine BARREAU
Après notre entretien, Mademoiselle MEUNIER m'a fait parvenir une lettre dans laquelle elle nous fait revivre quelques anecdotes amusantes. Outre la valeur historique de ce témoignage (nous pouvons dire que Marie-Rose est une véritable « archive vivante »), nous ressentons la difficulté du labeur, l'amour du travail bien fait, l'abnégation et le dévouement de ces hommes et femmes en charge de ces lignes de chemin de fer dites secondaires, mais qui étaient en fait principales pour sortir les ilots campagnards de leurs difficultés culturelles et économiques en les intégrant à l'économie de marché et au monde moderne.
Jacques Laure
Voici la lettre en question :
« Depuis votre visite, j'ai réfléchi à mon travail à cette gare de Pierrefitte.